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Grèce : les économistes jugent déraisonnables les exigences des créanciers

Pour la plupart des économistes, imposer la poursuite de l’austérité à la Grèce, retombée en récession, n’a pas de sens et restructurer la dette hellène est inéluctable.

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Publié le 30 juin 2015 à 11h02, modifié le 04 juillet 2015 à 10h15

Temps de Lecture 4 min.

Pour la plupart des économistes, imposer la poursuite de l’austérité à la Grèce, retombée en récession, n’a pas de sens et restructurer la dette hellène est inéluctable.

C’est peu dire que les dernières propositions des créanciers de la Grèce, mises en ligne dimanche 28 juin sur le site Internet de la Commission européenne, suscitent les critiques. Patrick Artus, le chef économiste de Natixis, qu’on ne peut soupçonner d’être proche de Syriza – le parti grec de la la gauche radicale, au pouvoir à Athènes – résume assez bien la pensée dominante : « Aucun économiste sérieux ne peut avaliser ce plan mal fichu et très déraisonnable », a-t-il déclaré, lundi 29 juin, au Monde.

« Le premier ministre grec, Alexis Tsipras, a des raisons d’appeler à voter non au référendum du 5 juillet. Le programme des créanciers n’est pas acceptable. Demander à une économie en récession de 3 % à 4 % d’afficher un excédent primaire [le solde budgétaire avant paiement des intérêts de la dette] de 1 %, c’est la condamner à ne pas se redresser », ajoute M. Artus, un partisan en France d’une politique de l’offre.

L’ex-Troïka a une « responsabilité criminelle »

Les néokeynésiens ne sont donc pas les seuls à dénoncer les exigences intenables des créanciers d’Athènes. Les économistes, quelle que soit leur famille de pensée, s’accordent pour déplorer que les bailleurs de fonds d’Athènes minimisent la gravité de la récession grecque, plus longue et plus profonde que la Grande Dépression aux Etats-Unis dans les années 1930. L’économie hellène, ajoutent-ils, est en bien trop mauvais état pour supporter le surcroît d’austérité – hausses d’impôt, TVA en tête, et de cotisations, réforme de la grille salariale et baisse de l’emploi de la fonction publique, réforme des retraites etc. – imaginé par la Commission européenne, la Banque centrale européenne (BCE) et le Fonds monétaire international (FMI) en échange d’« argent frais ».

L’ex-« Troïka » a « une responsabilité criminelle, celle d’avoir causé une récession majeure », a asséné, lundi, dans le Time le prix Nobel d’économieJoseph Stiglitz. « Les créanciers d’Athènes devraient admettre que la politique qu’ils ont mise en place depuis cinq ans, l’austérité, n’a pas fonctionné », analyse -t-il.

Sur son blog du New York Times, son collègue Paul Krugman écrit qu’il voterait « non » au référendum du 5 juillet « bien que la perspective d’une sortie de l’euro inquiète tout un chacun, moi compris ». « Ce que demande la Troïka c’est une poursuite indéfinie de la politique d’austérité menée depuis cinq ans. Mais où est l’espoir dans tout cela ? », s’interroge-t-il en faisant observer qu’« une dévaluation [consécutive à un  « Grexit »] ne créerait pas beaucoup plus de chaos que celui qui existe aujourd’hui ».

Une restructuration « inéluctable »

Moins polémique mais tout aussi affirmatif, le chef économiste de Coface, Julien Marcilly, rappelle que « les politiques macroéconomiques doivent être contracycliques ». « Demander à un pays en récession d’afficher un excédent budgétaire primaire, même réduit de 3,5 % à 1 %, n’a pas de sens. Les dépenses publiques ont diminué de 20 % en Grèce en termes réels depuis 2007. En Espagne, pendant ce temps, elles sont restées stables. Comment voulez-vous que l’économie puisse se redresser ? » « A quoi sert de proposer une TVA à 23 % sur la restauration quand le tourisme est l’un des rares secteurs porteurs de l’économie de la Grèce ? La croissance potentielle du pays est négative. Ce dernier a besoin de zones franches qui rendraient attractive son économie. Ce n’est pas le moment de décourager les investisseurs et les entreprises », insiste de son côté M. Artus.

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L’absence totale de toute référence à la question de la dette, jugée pourtant cruciale, est un autre sujet de perplexité et de critiques pour les économistes Sur son site Web, la Commission européenne assure avoir mis en ligne les dernières propositions des créanciers tenant compte de celles avancées par M. Tsipras entre le 8 et le 25 juin « par souci de transparence, et pour l’information du peuple grec ». En présentant ces propositions, elle fait référence à la dette grecque. Celle-ci toutefois ne figure pas dans les neuf points abordés par le FMI et les Européens.

Or de l’avis général, sa restructuration est « inéluctable ». « Il faudrait quatre points de produit intérieur brut [PIB] d’excédent budgétaire primaire pour stabiliser la dette. Les Grecs sont complètement insolvables. Il ne faut pas leur faire des prêts mais restructurer la dette. C’est d’ailleurs ce que pense le FMI. La Commission n’en veut pas, non pas pour éviter des pertes aux banques mais pour des raisons politiques : par égard pour l’Espagne, le Portugal, l’Irlande etc. qui ont fait des efforts et par peur de fâcher les contribuables européens », analyse Patrick Artus.

« Démagogies et mensonges »

« Les positions du gouvernement Tsipras et des créanciers s’étaient beaucoup rapprochées. Mais ce qui a manqué, c’est la discussion et l’engagement d’une renégociation de la dette grecque qui est insoutenable et qu’il faudra restructurer, surenchérit le président de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), Xavier Ragot. « L’histoire nous a pourtant appris, avec le Traité de Versailles et l’Allemagne, ce qu’il en coûte de poser à un pays des exigences intenables... »

« Les autorités grecques ont demandé que le Mécanisme européen de stabilité [MES] prenne la dette hellène à son compte, ce qui ouvrait la possibilité d’un reprofilage partiel de celle-ci. C’était l’idée du troisième plan d’aide. Elle n’a pas été acceptée probablement parce que les créanciers veulent pouvoir conserver un certain degré d’ingérence dans la vie de la Grèce », relève aussi Paola Monperrus, économiste au Crédit agricole.

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« Il y a eu beaucoup de démagogie et de mensonge des deux côtés. Les propositions de créanciers sont technocratiques et peu accessibles à l’opinion publique. Les positions du FMI et des Européens n’étaient pas alignées. Le premier s’est focalisé sur la non-soutenabilité de la dette, les seconds voulaient des réformes pour pouvoir rendre acceptables de futurs sacrifices à leurs contribuables », estime le chef économiste d’Euler Hermès, Ludovic Subran. En l’état, les propositions sont généralement jugées « trop technos » pour pouvoir faire l’objet d’un référendum. Un référendum qui peut piéger non seulement M. Tsipras mais aussi les Européens.

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