En 2015, alors que la canicule sévissait en Californie, le Los Angeles Daily News proposait une liste de recommandations à ses lecteurs « desséchés ». Parmi les dix titres astucieusement préconisés par le quotidien, figurait en bonne place Sécheresse, de J. G. Ballard (1930-2009), roman à propos duquel était ajoutée cette remarque : « A little too close for comfort » (« un peu trop proche de la réalité pour qu’on se sente à l’aise »).
Et de fait, dès les premières pages, cette œuvre de science-fiction, parue en 1964, fait pénétrer dans un monde sans eau, sans nuages et sans ombre.
Fournaise
La mer, recouverte d’une fine couche de pollution plastique, ne s’évapore plus, et c’est dans une petite ville sableuse, où le feu règne en maître, que le docteur Ransom, héros du livre, tente de survivre. Nous en sommes au cinquième mois de sécheresse. Cette brûlante acmé a été précédée de crises qui ont vu des aires géographiques aussi différentes que le Saskatchewan et la vallée de la Loire, le Kazakhstan et la région du thé de Madras se changer « en bassins de poussière arides », précise le narrateur.
Le paysage qui s’offre aux yeux de Ransom n’est que désolation : rues jonchées de détritus, coulées de boue séchée, oiseaux morts, poissons échoués. Au loin, dunes éblouissantes et sombres panaches de fumée. Pas de quoi rafraîchir, en effet, un lecteur californien au cœur de la fournaise.
L’idée d’un monde en hyperthermie est totalement inexistante au début des années 1960, lorsque J. G. Ballard s’affirme comme écrivain de science-fiction. Le climat n’est pas alors désigné comme une menace.
Lorsque J. G. Ballard écrit Sécheresse, il ignore que le réchauffement climatique est en cours et que le risque de mourir de chaud touchera trois personnes sur quatre d’ici la fin du XXIe siècle, dans l’hypothèse où les émissions de gaz à effet de serre se poursuivent au rythme actuel.
L’idée d’un monde en hyperthermie est totalement inexistante au début des années 1960, lorsque ce Britannique, âgé d’une trentaine d’années, s’affirme comme écrivain de science-fiction. L’avenir de la planète commence à susciter quelques inquiétudes, certes, mais elles concernent surtout l’impact de la chimie sur le monde naturel ou la puissance mortifère de la technologie nucléaire. Le climat n’est pas alors désigné comme une menace.
Série post-apocalyptique
Ballard, qui n’est pas encore l’auteur reconnu qu’il sera après la parution de Crash (1973), et plus encore après son adaptation au cinéma par David Cronenberg (1996), propose, lui, une série post-apocalyptique qui comporte, outre Sécheresse, trois titres : Le Vent de nulle part (1961), Le Monde englouti (1962), et La Forêt de cristal (1966).
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