Mireille Darc : la vie malgré tout

VIDÉOS. À l'âge de 79 ans, "la grande sauterelle" nous quitte. Bien que marquée par de nombreux accidents de santé, elle nous laisse une belle leçon de vie.

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Des jambes interminables, une coupe blond platine et une chute de reins incendiaire : voilà comment Mireille Darc fit son entrée sur le grand écran dans les années 1960. Elle fait alors partie de la bande à Lautner, le prince de la comédie française et gouailleuse de l'après-guerre, avec Lino Ventura, Francis Blanche et Michel Audiard, qui deviendra un ami. Les succès s'enchaînent, une douzaine de films où elle incarne la blonde fatale, parfois naïve, souvent troublante, toujours sexy.

Dans le film Galia, sorti en 1966, elle fait scandale : voilà une femme qui choisit sa vie, ses amants et son plaisir, deux ans avant Mai 1968 qui fera tomber tous les tabous. La France s'offusque, une star est née. Quelques années plus tard, la revoilà dans son meilleur rôle de blonde sulfureuse à l'affiche du Grand Blond avec une chaussure noire, au côté de Pierre Richard : elle arbore une robe moulante signée Guy Laroche, un dos nu vertigineux qui fit une fois de plus la renommée de « la grande sauterelle », le surnom qui lui est resté après le fameux film de Lautner.


Pour Darc, il s'agissait à l'époque de gagner sa vie tout en s'amusant, tout simplement. Elle n'a jamais renié le côté superficiel de ses rôles caricaturaux où elle jouait, selon ses propres dires, des « pétasses » ou des « rigolotes sexy ». Elle était belle, elle assumait le nu, les réalisateurs l'avaient cataloguée ainsi, le public suivait... Mais derrière la gaudriole, les sourires et la légèreté, il y avait une autre femme, plus subtile, à la fois meurtrie, résiliente et combative. Déjà une survivante.

La bâtarde de Toulon

Elle a attendu d'avoir plus de 70 ans pour expliquer sa première blessure, celle de l'enfance, les plus graves, car elles ne vous quittent plus. Son père l'appelait « la bâtarde », confie-t-elle en 2015 sur le plateau de Marc-Olivier Fogiel. « J'étais un accident dans la vie de ma mère, tout le monde était en état de souffrance. Mon père ne pouvait pas me supporter puisque je représentais une infidélité, et ma mère ne pouvait pas m'aimer puisque c'était comme si elle aimait un autre homme à travers moi. » Un jour, elle a six ans, son père décide de se pendre devant elle en lui lançant : « C'est à cause de toi ! » Elle poursuit : « Je le supplie de ne pas faire ça, je pleure, je crie, je lui demande pardon... »

La petite Mireille – qui est morte ce lundi matin à l'âge de 79 ans – se réfugie dans les livres, les mots, les rêveries. Une contemplative, coincée au fond de la classe, qui se réveille quand il faut réciter des poèmes devant les professeurs. Le soir, retour à la maison – sa mère tient une épicerie à Toulon – avec l'ambiance que l'on sait. À 14 ans, elle rêve de liberté, voit sa famille comme une entrave, suit les cours du conservatoire d'art dramatique, apprend la comédie, décroche le prix d'excellence. Que faire à Toulon avec un tel diplôme ? Elle n'hésite pas : la voilà à Paris. Ses parents, dépassés, laissent partir la fille du péché.

Galia © Spéva Films
Galia de Georges Lautner (1966) © Spéva Films


Alain Delon, un ami pour la vie

Elle a 20 ans, décroche de petits boulots, commence le mannequinat, devient modèle pour peintre ou pose pour des romans-photos. La télévision lui donne ses premiers rôles, notamment dans La Grande Bretèche de Claude Barma. La voilà lancée, elle enchaîne les succès, on remarque son physique, elle donne la réplique aux têtes d'affiche de l'époque, Jean Gabin, Bernard Blier, Brigitte Bardot ou encore Michel Serrault et Louis de Funès...


Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais... elle cause de Michel Audiard (1970)


Une si belle plante ne pouvait laisser le fauve du cinéma français indifférent : Alain Delon la prend dans ses filets à la fin des années 1960, en pleine affaire Markovic, du nom de l'assistant et homme à tout faire de l'acteur retrouvé mystérieusement assassiné. Elle est là au pire moment, elle l'apaise, l'aime sans entrave, ces deux écorchés vifs se comprennent sans discours. Ils tournent ensemble dans plusieurs films comme Jeff, Borsalino ou encore Les Seins de glace, savourent leur bonheur enfermés dans leurs propriétés, le domaine de Douchy ou la villa de Marrakech, et Mireille élève le jeune Anthony quasiment comme son fils. « Alain et moi, nous n'aurons jamais de scènes dramatiques, il n'y aura pas de vaisselle cassée, raconte-t-elle dans son autobiographie. Tout – bons et mauvais moments – se passera toujours dans un grand respect l'un de l'autre. »

Les Seins de glace de Georges Lautner (1974)


Épreuves en série

De mauvais moments, il y en aura, comme cette opération à cœur ouvert en 1980, à la suite d'une malformation cardiaque qu'elle a depuis sa naissance. Elle demande au professeur Cabrol de ne pas trop abîmer son corps, il incisera sous le sein gauche, en diagonale. « Vous pourrez garder vos décolletés », lui glisse-t-il à l'issue de la lourde opération. Mais il y a plus grave : ses problèmes cardiaques l'ont toujours empêchée d'avoir des enfants, Delon finit par partir après quinze ans d'idylle, mais reste pour toujours son plus fidèle ami. Quand elle est victime d'un grave accident de voiture dans le nord de l'Italie, quelques années plus tard, il se précipitera à son chevet. Depuis leur séparation, ils n'ont jamais cessé de se parler ou de se revoir. « C'est sans doute, parmi toutes les femmes que j'ai aimées, celle qui me connaît le mieux », reconnaît un jour l'acteur dans Paris Match.

FRANCE-CULTURE-MONDY-FUNERALS © PATRICK KOVARIK AFP
Alain Delon et Mireille Darc à l'enterrement de Pierre Mondy en 2012.  © PATRICK KOVARIK AFP


Mireille n'en a pas fini avec les épreuves : alors qu'elle retrouve le goût de vivre au bras d'un nouveau compagnon, Pierre Barret, l'ancien patron de L'Express devenu PDG d'Europe 1, ce dernier meurt prématurément après une greffe du foie. À cela s'ajoute une carrière en déclin, de nouvelles blondes tiennent le haut du pavé... Mais l'actrice fait front, comme toujours : elle décide de se lancer dans des documentaires, à la découverte d'autres vies, celles de détenues, de prostituées, de religieuses, autant d'expériences qui l'enrichissent et la questionnent et qu'elle vit presque comme autant de « thérapies ». En parallèle, elle connaît un formidable rebond sur le petit écran dans des séries populaires comme Les Cœurs brûlés, Terre indigo ou encore Le Bleu de l'océan au début des années 2000.

Extrait du documentaire Pas sur la bouche


Apprivoiser la mort

Entre-temps, elle a rencontré le troisième homme de sa vie, l'architecte Pascal Desprez, le premier homme qui la demande en mariage. « Il ne me regarde pas comme une vedette de cinéma, il me regarde comme sa femme », confie-t-elle un jour dans Match. C'est ensemble qu'ils affrontent les mauvais coups du sort, comme cette nouvelle opération du cœur qu'elle doit subir en 2013. « Je suis une survivante », reconnaît-elle à l'époque dans le magazine people, tout en confiant qu'elle a peu à peu apprivoisé l'idée de la mort. « J'ai fait des choses intéressantes, j'ai eu une vie passionnante. Je me mets dans un état positif. Je tricote toutes ces pensées et, finalement, je me sens apaisée... » Avant d'ajouter : « Carrière, argent, tout disparaît. Il ne reste qu'une seule chose : l'amour. »

À lire : Tant que battra mon cœur, par Mireille Darc, éditions XO

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Commentaires (20)

  • zabeillon2

    Ah avoir sa classe et sa silhouette pour porter la robe incendiaire du "grand blond avec une chaussure noire"adieu à une grande dame du cinéma.

  • alainalbert

    Elégante et mutine dans l'univers "viril" des films de Georges Lautner ou celui, loufoque, des films d'Yves Robert ("Ouf, ouf... ", parvenait à peine à articuler Pierre Richard dans la scène culte), elle a marqué de sa présence les films français des années 60 et 70. Elle était par ailleurs remarquable de discrétion.

    J'espère que là où elle est, elle saura faire sourire les anges.

  • Ysa2

    Je vous regrette et me souviendrai de votre gentillesse, de l'humour de vos interprétations et de votre magnifique sourire.