la boîte à archives du rl Juin 1989, le dernier certificat d'études

C'était il y a 25 ans seulement. Le dernier examen du certificat d'études avait eu lieu en juin 1989 en France et en Lorraine. En Moselle, pour cette dernière session avant disparition, seule la circonscription scolaire de Rombas avait organisé l'épreuve, à Moyeuvre-Grande, avec 158 candidats. Six ans plus tard, en 1995, une initiative nationale avait placé 6 000 collégiens face aux épreuves du certificat d'études des années 1920 pour comparer les niveaux : en Lorraine, quatre classes de 6e étaient concernées.
Service Documentation - 19 juin 2014 à 11:35 | mis à jour le 19 juin 2014 à 18:22 - Temps de lecture :

Le Républicain Lorrain vous propose désormais d'entrer dans les archives de votre journal. Revivez un événement marquant, grave ou léger tel qu'il était paru dans nos colonnes.

Culture, sport, faits-divers, politique, vie quotidienne… Avec "La boîte à archives du RL", retrouvez un article original d’époque, retranscrit pour vous faciliter la lecture et vous permettre de plonger dans les actualités régionales et Grande Région qui ont marqué les pages de votre quotidien.

 
 
 
 

[Républicain Lorrain du 16 juin 1989]

158 candidats à Moyeuvre-Grande, la seule session en Moselle

Le "certif" se meurt

Le certificat d’études primaires a, semble-t-il, définitivement vécu en Moselle. Hier, la circonscription scolaire de Rombas a été la seule du département à organiser une session de cet examen. Ainsi va disparaître un diplôme qui fut, pour des générations d’écoliers, l’indispensable passeport pour l’entrée dans la vie active.

Le certificat d’études primaires a été créé par une loi du 28 mars 1882. L’année dernière, une circulaire signifiait au personnel enseignant que 1989 verrait la fin de l’organisation de l’épreuve. Une loi ne pouvant être abrogée que par une autre, l’Éducation nationale est dans l’attente du texte légal signifiant officiellement la fin du CEP.

Il semble cependant que l’épreuve ait vécu sa dernière édition, hier, à Moyeuvre-Grande. Seul centre d’examen de la Moselle, le CES Jean Burger a accueilli 158 candidats venant des collèges de la circonscription de Rombas. C’est peu, comparé à la dizaine de milliers d’élèves ayant l’âge requis, en Moselle, pour passer le CEP.

« A la création du diplôme, il fallait avoir onze ans pour l’obtenir. Un arrêté a fixé, en 1887, cet âge requis à quatorze ans », souligne M. Reitz, inspecteur départemental de l’Éducation nationale. Pour souligner l’importance que prenait le CEP dans une année scolaire, il se rappelle que son grand-père, instituteur « ne quittait son village que deux fois dans l’année : la première pour la conférence pédagogique, la seconde pour le certificat. Et dans ce dernier cas, il ne rentrait chez lui que le lendemain matin ».

La coutume voulait que les enseignants encadrant l’examen se retrouvent à midi et le soir pour un repas en commun. Cette tradition a été respectée à Moyeuvre-Grande, tout comme l’a été celle du sérieux de l’épreuve.

Les robinets ne fuient plus

Le certificat d’études s’est déroulé selon un rite immuable vieux de plus d’un siècle. Seules différences par rapport à celui de nos pères : l’un des examinateurs avait des cheveux tombant sur les épaules, et dans chacune des huit salles d’examen, l’on trouvait deux ou trois candidats écrivant de la main gauche. Impensable il y a vingt ou trente ans !

Quant au contenu de l’épreuve, lui aussi est resté le même ! Deux problèmes de mathématiques, une rédaction, une dictée et ses questions, histoire, géographie, sciences, dessin ou travail manuel, récitation ou chant… Nous allions oublier dans cette énumération le calcul mental, la lecture et l’écriture (jugée sur la rédaction) tant ces appellations paraissent aujourd’hui obsolètes. Et encore faut-il ajouter à ces casse-tête notre bon vieux BSS, le brevet sportif scolaire, permettant de grapiller deux points de bonus.

Si les étapes de l’examen n’ont pas varié, elles ont cependant été actualisées. Fini les robinets qui coulent, les trains qui se croisent… Les problèmes posés ont concerné, hier, le prix de revient d’un terrain, adduction d’eau, branchements au gaz et à l’électricité compris. Les sujets de rédaction, quant à eux, n’ont pas échappé au bicentenaire de la Révolution : « Un grand-père vivant en 1789, se retrouve un matin en pleine Révolution… Racontez la suite. » Autre sujet proposé : une lettre de réclamation à un magasin de vente par correspondance d’articles sportifs.

Cinq fautes égale zéro

D’actualité aussi, encore et toujours le zéro éliminatoire pour cinq fautes en dictée : « C’est ce qui me fait le plus peur », avouait Myriam, élève de 5e au collège de Marange-Silvange, qui s’est inscrite au CEP « pour voir comment se passe un examen ».
Se frotter aux affres de la première épreuve de leur carrière scolaire était d’ailleurs la motivation de tous les candidats, dont certains, malgré le caractère facultatif de l’épreuve, n’ont pas échappé aux coliques matinales.

Ce ne faut pas le cas de Teddy, en 4e à Vitry-sur-Orne, qui déclarait : « Je ne suis pas inquiet », pour ajouter aussitôt, « mais si je rate, je serai vraiment déçu ». Si Teddy atteint les cinquante points nécessaires à l’obtention du CEP, il ne gagnera que le diplôme. L’époque des récompenses attribuées par les municipalités est révolue. Plus de dictionnaire, de livre de cuisine ou de compte d’épargne. Révolue également l’époque des voyages à  Paris, offerts par l’Alliance française aux meilleurs du département. Ils ont permis à de nombreux jeunes Lorrains de découvrir la capitale, grâce au … défunt CEP.

Article signé Guy Hombourger

 La dictée

« Un botaniste convaincu », texte extrait d’un ouvrage d’Hippolyte Taine, a servi de dictée aux candidats. Si le cœur vous en dit …

« Un jour, au pied d’une roche humide, je vis venir à moi un petit homme maigre, avec un nez en bec d’aigle, un visage tout en pointe, des yeux verts, des cheveux grisonnants, des mouvements nerveux et quelque chose de bizarre dans la physionomie.
Il avait de grosses guêtres, une vieille casquette noire ternie par la pluie, un pantalon boueux aux genoux, sur le dos une boîte de botanique bosselée, à la main une petite bêche. Je regardais une jolie plante à longue tige droite, bien verte, à corolle blanche, délicate, qui croît auprès des sources perdues. Il me prit pour un confrère novice et la conversation s’engagea ».

[Républicain Lorrain du 16 juin 1989]

 
 

Juin 1995, initiative nationale : 6 000 jeunes Français repassent le certif de 1920 [Républicain Lorrain du 9 juin 1995]

Les problèmes des années 20 font "sécher" les collégiens

Histoire de comparer le niveau des collégiens d’aujourd’hui et celui des "fins d’études" des années 20, 6 000 jeunes Français passaient hier matin, un certificat d’études adapté à notre époque. En Lorraine, quatre classes de 6 étaient concernées. Le français a été jugé plutôt facile, mais les maths…

Quand on lui a parlé du certificat d’études, au mois d’avril dernier, Alice a ouvert de grands yeux : jamais elle n’avait entendu parler de cet examen et, dans sa classe de 6e, au collège Louis Aragon de Jarny, sa copine Valérie était l’une des seules à avoir une petite idée sur la question, parce que sa maman l’avait passé.

Le bon vieux "certif", aussi mythique autrefois que l’est aujourd’hui le baccalauréat, a repris hier matin un grand coup de jeune : 6 000 petits Français étaient en effet invités à mesurer leurs connaissances à l’aune de celles de leurs aînés, en traitant des sujets des années 20, retrouvés aux archives départementales de la Somme. La Direction de l’évaluation et de la prospective du ministère de l’Éducation nationale, à qui revient cette initiative, n’a rien négligé pour que la comparaison des niveaux de connaissances soit possible et riche d’éventuels enseignements : même répartition des "candidats" par tranches d’âges et par origines socioculturelles, préparation identique pour tous les élèves concernés et, bien sûr, élimination des disciplines et des sujets qui ne cadraient pas avec les programmes d’aujourd’hui.

Parmi les collèges qui avaient le profil adéquat, le sort a désigné quatre établissements lorrains : le collège de Bayon et les collèges Louis Aragon de Jarny, Wiesberg de Forbach et Himmelsberg de Sarreguemines. A partir de là, il fallait encore éviter que les classes retenues pour l’examen ne soient les plus fortes ou les plus faibles, ce qui fut fait, dans tous les cas, en tenant compte de la date de naissance du professeur principal, plus ou moins proche du 8 juin.

Les limites d’une comparaison

Intriguée et plutôt amusée par la perspective de cet examen insolite, la centaine de jeunes candidats lorrains (tous des sixièmes), a participé de bonne grâce aux séances de préparation :  «On a fait plein de rédactions », commente Aurélie, «  mais les problèmes n’étaient pas comme ceux qu’on a l’habitude de faire ». « La grammaire non plus », ajoute Alice. « Dans les analyses, on a appris les propositions subordonnées… ».

Ainsi familiarisés avec des terminologies et des méthodes différentes de celles d’aujourd’hui, les élèves ont abordé les épreuves sans appréhension excessive. Dans l’ensemble, ils ont trouvé le français plutôt facile même si, en Moselle, certains n’ont pas su expliquer le sens du mot "intempéries", qui ne fait manifestement pas partie de leur vocabulaire courant. Les maths, en revanche, ont donné autant de fil à retordre aux Mosellans qu’aux Meurthe-et-Mosellans : en Meurthe-et-Moselle, la surface de papier doré nécessaire pour recouvrir un parallélépipède rectangle a plongé nos braves petits sixièmes dans des abîmes de complexité. Quant à leurs voisins de Moselle, ils ont eu quelque mal à s’y retrouver dans les subtilités du taux de l’impôt sur les bénéfices agricoles.

« Leur réaction n’est guère étonnante » , commente Richard Strauss, principal du collège Louis Aragon de Jarny. Beaucoup de notions auxquelles il est fait appel dans les problèmes des années 20 leur sont totalement étrangères . Il n’est d’ailleurs pas nécessaire d’aller aussi loin : récemment pour expliquer les fractions, un professeur de mathématiques a donné l’exemple d’une tarte que l’on partage. Plusieurs élèves ont eu du mal à comprendre parce que, chez eux, il est rare que la famille entière se retrouve à table : chacun ouvre le réfrigérateur quand il a faim… »

Un exemple parmi d’autres qui illustre les limites d’une comparaison dont on nous annonce, avec une hâte un peu suspecte, qu’elle devrait réserver des surprises. Outre que les dictées nous paraissent sensiblement plus courtes que celles des "certifs" que nous avons connues (au fait, le barème de correction sera-t-il le même ?), il ne faut pas oublier que l’examen d’alors comportait un écrit et un oral portant sur toutes les disciplines étudiées à l’école primaire. Qui ne se souvient de la géographie de l’A.E.F. et de celle de l’A.O.F., des préfectures et des sous-préfectures, sans oublier, bien sûr, la Marseillaise qu’il s’agissait de chanter juste ? « Autres temps, autres mœurs », nous dira-t-on, mais dès lors que l’on compare…

Article signé Monique Hecker

Toit et impôt, orgueil et papier doré…

Voici l’essentiel des sujets qu’ont dû traiter les jeunes candidats :

EN MOSELLE

Dictée : Le toit

Je franchis, d’un cœur ému, le seuil de la demeure humaine, dont le seul nom résume, pour chacun, tant d’impressions et tant de souvenirs.
Le toit est un abri. Le froid et la chaleur, toutes les intempéries et tous les ennemis poussent l’homme à le créer et à le fortifier. A qui manque ce refuge, tout manque. Pour décrire d’un trait la suprême misère, nous disons d’un homme qu’il est sans feu ni lieu. Voulez-vous au contraire une des plus parfaites images du bonheur civilisé ? la voici : une famille au grand complet, jeunes et vieux en cercle, sous le toit protecteur, près d’une joyeuse flambée, où le repas du soir chante dans le grand chaudron.

Rédaction : Décrivez votre habitation. Quels sentiments vous inspire-t-elle ?

Mathématiques :

- Le taux de l’impôt sur les bénéfices agricoles est de 6 % du revenu net. Pour calculer cet impôt, on ne compte pas la partie du revenu au-dessous de 1 500 F et on ne compte que la moitié de la partie comprise entre 1 500 et 4 000 F. Dans ces conditions, quelle somme devra payer comme impôt un cultivateur dont le revenu net est évalué à 4 900 F ?

- Un bassin circulaire a 2 m de rayon. On l’entoure d’une bordure qui revient à 15 F le mètre courant. Quel sera le prix de cette bordure ?

EN MEURTHE-ET-MOSELLE

Dictée : Orgueil de mère

La femme est jeune : elle chante ; ses yeux et ses dents brillent dans l’ombre, car elle rit de la bouche et du regard. Elle tient dans ses bras un joli petit garçon. Je le vois qui suce ses pouces et me regarde avec ses grands yeux, ouverts sur ce vieil univers nouveau pour lui. Le bébé a un joli pli entre le poignet et le bras, un pli au cou, et de la tête aux pieds, ce sont des jolies fossettes qui rient dans la chair rose. Sa maman me le montre avec orgueil : « Monsieur, me dit-elle d’une voix mélodieuse, n’est-ce pas qu’il est bien joli, mon petit garçon ? »

Rédaction : Vous avez appris un certain nombre de fables. Quelle est celle qui vous a le plus intéressé (e). Racontez-la à votre manière.

Mathématiques :

- Trois frères se partagent un champ valant 6 000 F et une maison valant 9 000 F. L’aîné prend la maison ; le deuxième, le champ. Combien chacun devra-t-il donner d’argent au troisième pour que les parts des trois frères soient égales ?

- On veut recouvrir de papier doré un parallélépipède rectangle dont les dimensions sont : 15 cm, 10 cm, 5 cm. Quelle sera l’aire du papier employé ? Quel sera le volume du solide obtenu ?

[Républicain Lorrain du 9 juin 1995]

 
 
 

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