Systran traduit en « open  source »

Jean Senellart a hésité mais il est maintenant convaincu d’avoir fait le bon choix. Depuis fin décembre, le directeur général de l’éditeur de logiciels de traduction Systran a embarqué son entreprise dans des travaux avec l’université Harvard et ses spécialistes de l’intelligence artificielle. Il a du même coup accepté de partager en code ouvert , « open source », le cœur technologique de son dernier moteur de traduction.

S’appuyer sur la communauté de spécialistes en ligne

« Nous ne sommes pas capables de tout faire tout seul », justifie le polytechnicien. Les progrès des réseaux de neurones artificiels, une forme d’« intelligence » de l’ordinateur, sont si rapides que même les plus gros laboratoires en mathématiques ont du mal à suivre. Les équipes de Systran, de taille modeste par rapport aux équipes des concurrents Gooogle Traduction ou Skype Translator , ont décidé de compter sur la communauté de spécialistes en ligne pour rivaliser dans leur exploration d’un champ de recherche encore très vierge.

Ces sciences pourraient changer le monde des langues. « La traduction automatique devient meilleure que celle d’un humain sur les textes techniques ou très structurés », assure celui qui tient aussi le rôle de patron de la R&D de son entreprise. Lors de la création de Systran, à la fin des années 1960, seul le monde de la défense faisait traduire à la volée des textes en langue rare captés par les services d’espionnnage. Désormais, cela devient intéressant pour traduire les documentations associées à des installations technologiques ou industrielles, et même des guides de voyage . L’automatisation rationnalise les coûts.

Une curiosité bien placée

En intégrant l’écosystème de Harvard, Systran entend entraîner son moteur de traduction à comprendre un maximum de langues, en utilisant les techniques d’apprentissage automatique et profond du « deep learning ». Certes, la société s’expose du même coup à la curiosité de tous. N’importe qui peut lire et tenter de comprendre les débats d’initiés qui se tiennent sur le forum en ligne ouvert pour l’occasion. « C’est frustrant, nous voyons tous nos compétiteurs qui posent plein de questions sur nos modèles », reconnaît Jean Senellart. Mais il préfère retenir les contributions qui enrichissent le travail de ses développeurs.

Par exemple, le contact avec la communauté « open source » lui a ouvert les yeux sur des capacités insoupçonnées du logiciel. « Sur le forum des contributeurs, quelqu’un a proposé d’entraîner un chatbot traducteur (un système de messagerie instantanée, automatisé lui aussi, NDLR), je ne pensais pas que le moteur pouvait être aussi rapide mais les travaux de la communauté “open source” ont montré l’inverse », se réjouit Jean Senellart. Vingt développeurs de Systran participent eux-mêmes aux échanges avec les étudiants, professeurs et curieux connaisseurs actifs sur le projet.