Des petits élus se liguent contre les mairies d’extrême droite
Dans plusieurs villes du sud, détenues ou convoitées par le Rassemblement national de Marine Le Pen, des opposants, eux-mêmes candidats aux municipales de 2020, entendent dénoncer les « mensonges » de l’extrême droite.
Ils sont quatre, et jouent un peu David contre Goliath. Quatre élus d'opposition (divers droite ou centristes), candidats aux élections municipales de 2020 dans des villes du sud, détenues – Beaucaire, Fréjus et Béziers – ou convoitées – Perpignan – par l'extrême droite, s'associent pour, disent-ils, « faire tomber les masques ».
Face à des ténors tels que Robert Ménard, le turbulent maire de Béziers (Hérault), David Rachline, maire de Fréjus (Var), symbole de la percée électorale du Front national (maintenant Rassemblent national), ou Louis Aliot, l'ex-numéro 2 du parti lepéniste qui convoite la mairie de Perpignan (Pyrénées-Orientales), ces quatre mousquetaires totalement inconnus du grand public entendent dénoncer le « système » de l'extrême droite.
« Ces figures s'appuient sur leur notoriété médiatique au plan national, ou sur celle de leur parti, pour asseoir leur prétendue légitimité au plan local, dénonce Clotilde Ripoull, présidente de l'Association nationale des élus locaux d'opposition (AELO) et tête de liste centriste aux prochaines municipales à Perpignan. Mais si on s'intéresse à leur bilan, leurs réalisations, on constate, à un an du terme de leur mandat, qu'il n'y a rien, que de l'esbroufe ! »
Et ces ambitieux anonymes notent de fortes ressemblances dans la gestion de ces villes moyennes du sud du pays, toutes frappées par un chômage au-dessus de la moyenne, un déclin des centres-villes et des services publics, un vieillissement de la population.
« Chacun de ses messages est un mensonge »
Esbroufe? Béziers, par exemple, la ville dont le maire fait l'éloge sur affiches géantes du pistolet 7,65 mm, « nouvel ami » de sa police municipale. « Avec lui, c'est le coup d'éclat permanent, s'agace Pascal Resplandy, conseiller municipal d'opposition et tête de liste sans étiquette à Béziers. Avec ses affiches sur les migrants – Ils arrivent – ou son appel au pape pour défendre sa crèche de Noël à la mairie, Robert Ménard cherche juste à être vu et entendu de Paris. »
Mais ne ferait pas grand-chose de concret pour sa ville. « Il a certes investi 25 millions d'euros pour redonner un coup de jeune à l'hypercentre, et a transformé nos gardiens de la paix en Robocop, poursuit Resplandy. Mais il a totalement délaissé les quartiers périphériques et les écoles, et chacun de ses messages est un mensonge : non, les impôts n'ont pas baissé, non, le chômage n'a pas diminué, non, les prix de l'immobilier et l'économie ne sont pas reparties. »
Pis, accuse ce chef d'entreprise, la dégradation de l'image de la ville fait fuir les employeurs et les cadres supérieurs. Même constat, à Fréjus, de la part de Françoise Cauwel, élue d'opposition et fondatrice du mouvement L'éthique plutôt que l'étiquette, qui déplore « une paupérisation de la ville ». Et cette ex-membre de l'équipe municipale précédente, sortie avec pertes et fracas par des Fréjusiens exaspérés par la gabegie et la corruption, de fustiger un « abaissement culturel » : « Les tournois de pétanque et de tricot ou les rave-partys dans les arènes, pour séduire les jeunes, ont remplacé les tournées théâtrales. »
De l'argent pour les procédures judiciaires
Autre point commun : ces édiles, susceptibles et procéduriers, dépenseraient beaucoup d'argent en procédures judiciaires, à charge de la ville. « Depuis l'arrivée de Ménard, Béziers a ainsi financé 850 000 € en frais d'avocats, s'insurge Pascal Resplandy : diffamation, insultes, procédures liées à sa crèche, tout y passe. » À Beaucaire (Gard), petite ville de 16 000 habitants, les dépenses d'avocat du maire RN, Julien Sanchez, « s'élèvent déjà à 400 000 € », assure l'opposant (LR) Christophe André.
Pour ces quatre mousquetaires en herbe, qui espèrent, insiste Clotilde Ripoull, « être rejoints par d'autres élus confrontés à l'extrême droite », la vie d'opposant est rude. « En cinq ans, Ménard ne m'a jamais serré la main », s'offusque Resplandy. Françoise Cauwel, elle, s'est entendu balancer par David Rachline, en plein conseil municipal : « Occupez-vous de vos fesses, mettez-vous une plume dans le c… » ! D'ici aux élections de 2020, le chemin s'annonce encore long…