Tribune

Les emplois aidés ne sont pas ceux qu’on croit

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PHOTO : ©iStock

Les « emplois aidés » ne sont pas ceux qu’on croit. Dans le débat actuel sur le coût des contrats aidés, on passe sous silence le fait que les exonérations de cotisations patronales dont bénéficient les entreprises pour l’emploi d’un salarié au Smic coûtent quelque 24 000 euros par salarié et par an aux finances publiques. En comparaison, un emploi d’avenir – la dernière génération des contrats aidés, la plus chère, mais aussi celle produisant les meilleurs résultats sur le plan de l’insertion – représente un coût de 11 000 euros par an pour l’Etat.

Les exonérations de cotisations patronales pour un emploi au Smic coûtent 24 000 euros par an à l’Etat, contre 11 000 euros pour un emploi d’avenir

A ceci près que dans ce dernier cas, il permet à un jeune non qualifié d’accéder à un emploi qu’il n’aurait eu que très peu de chances de décrocher sans cela, tout en étant accompagné et formé. Tandis que les exonérations de cotisations patronales ne sont pas ciblées et créent donc des effets d’aubaine colossaux. Peut-on dès lors soutenir sans rire que les contrats aidés sont « extrêmement coûteux pour la nation », comme l’a affirmé la ministre du Travail Muriel Pénicaud ?

Le Smic, un emploi aidé ?

Dans le cas des contrats aidés, la mesure est jugée trop onéreuse, dans celui du Smic, elle serait pertinente. Les économistes néolibéraux objectent en effet que les allègements de « charges » au niveau du Smic portent sur des emplois « pérennes ». Comprenez des emplois dans le secteur marchand, par opposition aux emplois dans les services publics et le secteur associatif. En clair, un bon emploi est un emploi dans le secteur marchand. Mais si, du jour au lendemain comme pour les contrats aidés, l’on fermait le robinet des exonérations de cotisations, ces emplois peu qualifiés resteraient-ils encore longtemps « pérennes » ?


Dans l’interview fleuve qu’il a accordée au Point, Emmanuel Macron déclare à propos des contrats aidés « qu’il s’agit trop souvent d’une perversion de la politique de l’emploi ». S’ils ne constituent qu’une réponse de court terme au chômage à destination des plus fragiles (et cela n’est déjà pas si mal), que dire alors des exonérations de cotisations sociales pour les entreprises ? En 2012, elles atteignaient 21 milliards d’euros. Grâce au crédit d’ipôt pour la compétitivité et l’emploi (Cice) et au pacte de responsabilité, elles ont bondi à 52 milliards d’euros cette année. Elles devraient même atteindre 55,5 milliards d’euros en 2019, avec les mesures supplémentaires annoncées par Emmanuel Macron. Pour quel effet sur le chômage ? Nul ou à peu près à ce jour. 

En revanche, il serait temps de se demander quel rôle cette politique suivie avec une belle constance depuis plus de vingt-cinq ans a joué dans la désindustrialisation du pays. Concentrée massivement sur les emplois faiblement qualifiés, elle a en effet avantagé les activités à faible valeur ajoutée par rapport à l’industrie, et sans doute désincité cette dernière à monter en gamme. Voilà sans doute la plus grande « perversion de la politique de l’emploi ».

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Commentaires (7)
JEAN YVES 16/09/2017
Il est quand même dommage que l'auteur de l'article n'ait pas corrigé son erreur concernant les 24000€ par an de baisse de cotisations pour un an !
Bernard GARRIGUES 12/09/2017
Si nous voulons parler de productivité, nous devons éviter de parler de coût du travail qui est une ressource ... le compte de productivité, c'est tant d'heures de travail par unité produite ... La compétitivité est un concept foutraque : certes il est plus facile de vendre une mercédes à un riche qu'une twingo à un pauvre ... mais de là à en faire une principe économique de base ... il y a un abîme logique à ne pas franchir.
ALAIN 12/09/2017
Une vous encore on s'enferme dans un débat tronqué. Le seul vrai coût du travail est celui du coût salarial par unité produite qui tient compte du niveau de productivité. Or on sait que ce coût est très compétitif pour la France. Maintenant on peut essayer de payer le salarié français au niveau d'un salarié chinois pour abaisser un peu plus ce coût juste pour voir. Une fois encore l'humain est considéré comme une charge et pas une ressource. Ce raisonnement est funèbre!
Bernard GARRIGUES 11/09/2017
Ce me paraît un peu gros qu'un poste EPT qui vaut 25 000 € par an : le SMIC, coûte 24 000 € de baisse de cotisation à l'État : faut expliquer. Ceci les baisses de cotisations sociales sous prétexte de compétitivité semblent un raisonnement foutraque, non seulement à émettre, mais encore par ses résultats
Bernard GARRIGUES 11/09/2017
Qui est capable, ici, de définir un poste peu productif ? Tous les raisonnements sur la productivité deviennent spécieux (1) s'ils ne portent pas sur la productivité globale du système observée ; (2) si le locuteur ne sait pas définir la productivité en volume ... ce qui est le cas de 99% des gens qui prononcent le mot de productivité.
FLORIAN 10/09/2017
En réponse à SM, le caractère peu productif d'un poste est une notion bien relative. Ces emplois correspondent à des postes peu rémunérés , ça c'est sur. Prenons l'exemple du champagne : pour un libéral, un vendangeur occupent un emploi peu productif, en fait cela signifie qu'il est faiblement rémunéré. Mais s'il n'y a pas de vendangeur, il n'y a pas de champagne ! Peut on dire d'un vendangeur qu'il est peu productif ? Faites les vendanges et vous verrez si c'est un emploi peu productif.
SM 09/09/2017
Que les emplois aidés aient une utilité s'ils sont ciblés sur des publics très en difficulté, c'est certain. Mais quelle mauvaise foi de l'article sur la question du coût du travail non qualifié en France ! Nier qu'il y ait un problème à ce sujet et que les baisses de cotisations patronales soient nécessaires est stupéfiant. Que la baisse du coût relatif du facteur travail surtout pour des postes peu productifs puisse créer de l'emploi, même si cela ne se fait pas en quelques mois est navrant.
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