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Apprentissage des maths : « La formation initiale des enseignants n’est pas adaptée »

Jean-François Chesné, directeur scientifique du Cnesco, revient sur les inquiétants résultats de la France affichés par l’enquête internationale Timss sur les mathématiques et les sciences.

Propos recueillis par 

Publié le 29 novembre 2016 à 21h31, modifié le 29 novembre 2016 à 21h31

Temps de Lecture 3 min.

« Les résultats de la France sont mauvais », a reconnu la ministre de l’éducation, Najat Vallaud-Belkacem, à l’occasion de la publication, mardi 29 novembre, de l’enquête internationale Timss sur les mathématiques et les sciences. Au primaire, les résultats des écoliers français en CM1 (488 points) sont inférieurs aux moyennes internationales (500) et européenne (525). En terminale scientifique, l’autre niveau évalué dans Timss, les scores connaissent une chute vertigineuse en vingt ans.

Comment expliquer ce tableau inquiétant ? Jean-François Chesné, docteur en didactique des mathématiques et directeur scientifique du Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco), revient sur les différents facteurs à l’origine de ces faibles résultats.

Najat Vallaud-Belkacem met en avant les « faiblesses » des programmes du primaire de 2008, sur lesquels les élèves ont été évalués dans Timss, mais aussi les suppressions de postes sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy. François Fillon prône un « recentrage des programmes sur les fondamentaux » à l’école primaire. Ces analyses vous semblent-elles pertinentes ?

Les faiblesses françaises en maths sont largement d’ordre structurel. Compte, à mes yeux, le profil non scientifique des enseignants du primaire, très majoritairement issus de filières littéraires ou de sciences humaines. La formation initiale n’est pas adaptée : le nombre d’heures de maths en deuxième année de master « métiers de l’enseignement » est faible. Sans parler d’une formation continue et d’un accompagnement au niveau local pas toujours suffisants. Tout cela impacte nécessairement l’enseignement des mathématiques.

Les programmes ne me paraissent pas spécialement à mettre en cause, si ce n’est la fréquence de leur changement – sept en trente ans ! –, qui peut déboussoler les enseignants. Les horaires non plus, puisque la France apparaît parmi les pays qui consacrent au CM1 le plus grand nombre d’heures annuelles à l’enseignement des mathématiques.

Il faut ajouter à cela des contextes d’enseignement difficiles : les résultats sont particulièrement faibles dans les écoles socialement défavorisées, marquées par une absence de mixité. Y sont affectés des enseignants souvent inexpérimentés, qui restent peu longtemps à leur poste, face à des familles qui ont un rapport au savoir et à l’école qui ne favorisent pas toujours les apprentissages.

Pouvait-on s’attendre à apparaître tout en bas du classement ?

Cela ne me surprend pas. Nous avions déjà identifié, lors de notre conférence de consensus sur l’enseignement des maths [organisée par le Cnesco en 2015], des difficultés en fin d’école primaire. Les écoliers sont à la peine s’agissant de la maîtrise des fractions, des décimaux et des opérations ; beaucoup connaissent mal les tables de multiplication et ont du mal à saisir le sens des nombres.

Les résultats Timss confirment ceux de l’évaluation nationale « cycle des évaluations disciplinaires réalisées sur échantillon » (Cedre) de 2008 et 2014. Timss montre notamment que 42 % des élèves n’atteignent pas le niveau considéré comme « intermédiaire ». Parmi eux, 13 % n’atteignent pas le niveau jugé « faible ». Ces élèves ne possèdent au plus que quelques connaissances de base qu’ils ne parviennent pas utiliser, même dans des situations simples. Cette part d’élèves en difficulté est très proche de celle identifiée dans Cedre. En revanche, la part de « bons » ou « très bons » élèves est plus faible dans Timss (21 %) que dans Cedre (29 %).

Pour expliquer la chute du niveau des élèves de terminale S entre 1995 et 2015, le ministère met en avant le statut de la série S, plus ouverte, moins spécialisée. Partagez-vous cette analyse ?

Il n’y a pas lieu d’avoir une posture catastrophiste sur ces résultats. Nous sommes dans une période de transition sur les orientations à donner à cette série : faut-il qu’elle forme de vrais scientifiques, avec des connaissances pointues et des capacités de raisonnement poussées, dans l’idée qu’ils poursuivront après le bac dans ce domaine ? Ou bien qu’elle apporte une culture scientifique générale aux lycéens de cette voie ?

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Oui, en vingt ans, la filière S est devenue plus ouverte, plus généraliste au niveau des enseignements, même pour des élèves ayant choisi une spécialité mathématique, avec un volume horaire relativement faible en maths (quatre heures actuellement en 1re S).

En outre, depuis plusieurs années, les programmes sont orientés vers une « culture numérique » (avec, par exemple, l’usage de logiciels de calculs formels), en vue d’une adaptation légitime à des enjeux sociétaux et professionnels.

Cela se traduit aussi par des pratiques plus hétérogènes des enseignants, plus ou moins familiers ou convaincus de l’usage du numérique, et par des attentes institutionnelles ambiguës, moins exigeantes sur les connaissances, la rigueur, la démonstration, les habiletés en calcul algébrique… Au final, Timss présente des exercices de maths « classiques » pour un élève de terminale C d’il y a plus de vingt ans, mais pas forcément adaptés aux nouveaux programmes et aux nouvelles pratiques développées dans les classes.

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