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Apr 14th, 2016
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  1. Uber, Airbnb, BlaBlaCar... Autant d'entreprises qui ont bouleversé les marchés. Comment se prémunir ou être à l'origine de ces innovations de rupture? Quel rôle pour les directions commerciales? Réponses avec Philippe Silberzahn, professeur à l'EM Lyon et chercheur associé à l'École polytechnique.
  2. - Par quoi se définit l'innovation de rupture?
  3. Ce concept, qui n'a rien de nouveau, désigne la destruction d'industries anciennes par l'innovation, entraînant la création d'industries nouvelles. C'est le fameux mécanisme de "destruction créatrice" décrit par l'économiste Joseph Schumpeter (1883-1950), qui y voyait la condition du progrès technique, économique et social permis par le système capitaliste. Mais le sentiment qui domine aujourd'hui est celui d'une d'accélération, de vivre une époque où les ruptures sont particulièrement importantes et rapides.
  4. Pour une entreprise, une rupture présente ainsi un double visage. Si c'est une menace potentielle pour son activité existante, c'est aussi et surtout l'opportunité de créer de nouvelles activités, source indispensable de sa croissance future. C'est là précisément le domaine de l'innovation de rupture. La compréhension des mécanismes de rupture et la capacité à en tirer parti sont donc fondamentales pour l'entreprise. D'autant plus qu'aucune industrie n'est à l'abri d'une "ubérisation"!
  5. - Pourquoi certaines entreprises passent à côté de l'innovation de rupture qui les menace?
  6. Plusieurs raisons peuvent l'expliquer. Il y a tout d'abord le cas des entreprises qui font preuve d'arrogance. C'est souvent le cas des leaders, qui pensent qu'ils sont les meilleurs et qui, de ce fait, regardent de haut les nouveautés arriver sur leur marché, ne pensant pas à la menace. C'est pourtant précisément ce comportement qui les rend vulnérables. Nokia est un cas d'école en la matière... Considérant que le premier iPhone n'était qu'un jouet bien trop simpliste pour intéresser le consommateur, l'entreprise finlandaise, alors leader, ne s'en est pas méfiée. Le fait que ces entreprises sous-estiment le risque provient également du fait que certaines sont trop orientées client. Dès lors, elles ne vont pas investir dans telle ou telle innovation, sous prétexte que cette dernière ne répond pas aux besoins de leurs clients actuels. Mais façonner ses offres uniquement en fonction de sa clientèle peut s'avérer une stratégie dangereuse pour l'entreprise, qui se prive de l'ouverture que peuvent lui apporter des non-clients.
  7. - L'innovation de rupture se traduit-elle toujours par un effet de surprise?
  8. Étrangement, non. Globalement, les entreprises ont très souvent connaissance de l'arrivée d'innovations technologiques dans leur giron. Cependant, elles ne les prennent pas toujours au sérieux... Car très souvent les innovations de rupture commencent toujours par un phénomène de petite amplitude. Elles mettent du temps à déployer tout leur potentiel. Regardez Internet, qui a été créé dans les années soixante mais qui s'est véritablement développé dans les années quatre-vingt-dix, soit 30 ans après !
  9. Par ailleurs, il arrive même qu'une entreprise soit à l'origine de l'évolution technologique qui va devenir, par le soutien d'autres sociétés, une innovation de rupture. Je pense notamment à l'entreprise Kodak qui a raté le virage de la photo numérique alors que c'est elle-même qui est à l'origine de l'appareil photo numérique. On peut également citer le cas des horlogers suisses qui avaient, en premier lieu, découvert l'usage du quartz mais qui n'y voyaient là aucun potentiel, laissant des entreprises asiatiques s'en emparer, avec le succès que l'on connaît de sociétés telles que Casio. Ces erreurs pointent une incapacité à développer la capacité créatrice de l'entreprise.
  10. - Comment anticiper ou provoquer ces innovations?
  11. Ce dont souffrent les entreprises n'est pas le manque d'idées mais plutôt le fait de les étouffer systématiquement Les entreprises doivent développer une veille. Ce qu'elles font toutes facilement, en partie grâce à Internet, les réseaux sociaux... Il ne s'agit donc pas d'un problème de connaissances. Mais capter les informations extérieures ne suffit pas. Les entreprises se doivent de favoriser ou d'anticiper les innovations de rupture, comme la fameuse boîte à idées, que l'on retrouve désormais sous un format moderne : une plateforme 2.0 participative. Cet outil est indéniablement intéressant à plusieurs égards : il permet de collecter des idées qui peuvent dormir au sein des équipes, mais aussi de créer un sentiment collectif autour de l'innovation, en montrant clairement que l'entreprise souhaite innover et qu'elle compte sur ses employés pour cela.
  12. Cependant, les entreprises découvrent rapidement les limites d'un tel système. Les idées remontées sont souvent des petits plus qui améliorent la performance de l'entreprise de manière limitée, mais on est loin de l'innovation de rupture... Ce dont souffrent les entreprises n'est pas le manque d'idées - les équipes en regorgent et en produisent chaque jour -, mais plutôt le fait d'étouffer systématiquement ces idées. C'est finalement davantage un problème de management...
  13. - Comment faire en sorte que ces idées originales perdurent et se concrétisent?
  14. Afin de traduire la créativité de ses collaborateurs en tests et en actions, le meilleur moyen est de créer de petites entités business et innovation au sein de l'entreprise. Des sortes de start-up internes, plus ou moins autonomes vis-à-vis du reste de l'entreprise.
  15. L'idée est de regrouper des collaborateurs de divers services, travaillant et expérimentant sur d'autres idées et offres que ne propose déjà l'entreprise dans ses activités historiques. Beaucoup d'entreprises pratiquent cette innovation organisationnelle avec succès. C'est ainsi qu'en 1986, soit 12 ans après son démarrage, le projet Nespresso a été séparé de Nestlé et est devenu une entité quasi indépendante. Tellement indépendante qu'à la fin, elle a dû se financer elle-même par un prêt bancaire tant la maison mère ne croyait plus au projet... Une recherche de nouveaux "talents" permet en effet de renouveler ses équipes. En termes de recrutement, et notamment de commerciaux, la meilleure façon de faire face à l'innovation de rupture est de s'autoriser à explorer des profils "out of the box". Pour trouver des "commerciaux-entrepreneurs ", il ne faut pas hésiter à sortir du CV du bon élève, à miser sur des profils atypiques et à opter, par exemple, pour un candidat qui a passé un an à vadrouiller en Asie ou qui a échoué dans la création d'un projet. Car même si cela paraît risqué, cela apportera à votre force de vente l'ouverture d'esprit nécessaire à une bonne gestion de l'innovation de rupture.
  16. - Doit-on intégrer des commerciaux dans ces entités "start-up"?
  17. Les entreprises trop orientées client ne répondent qu'aux besoins immédiats de leurs clients sans chercher à innover. Absolument, et c'est même essentiel ! Ces start-up internes sont tout sauf des centres de recherche & développement. Il faut leur donner une orientation business, garantie par la présence de commerciaux. On pourrait penser que, puisque la force de vente est au bout de la chaîne de l'innovation, puisqu'elle en assure l'aboutissement (la vente), elle est moins importante. Mais c'est l'inverse. Le commercial, au sein d'une entité de type start-up interne sera l'expression du business. Et puis, étant au contact des clients, c'est au commercial qu'incombe la remontée des idées et pistes en provenance du terrain.
  18. Cependant, il faut cibler certains profils de commerciaux. Des "commerciaux-entrepreneurs", c'est-à-dire des têtes chercheuses moins promptes à répondre à tout prix aux besoins des clients qu'à développer une démarche de test et de prospection. Ces commerciaux doivent être en position de cocréer, c'est-à-dire de coconstruire une nouvelle offre avec un client ou un partenaire.
  19. - Face à une innovation de rupture, quelles sont les conséquences pour une force de vente?
  20. Tout dépend de la nature du changement que cela implique au sein de l'entreprise. Dans certains cas, cela peut signifier de lâcher son activité initiale pour se renouveler vers un autre secteur. Dès lors, les commerciaux en place seront rarement aptes à suivre ce changement. On ne peut pas demander du jour au lendemain à des vendeurs jusqu'alors amenés à traiter auprès de grands comptes de vendre à des particuliers. De la formation peut pallier ce manque, autant sur un changement d'offre que de clientèle-cible. Cependant, en cas de changement extrême, il est souvent préférable de se tourner vers des ressources extérieures à l'entreprise.
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