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Interview

«Une licence de maths a d’autres débouchés que le professorat»

Pierre Arnoux déplore une crise de recrutement en mathématiques, qui a plusieurs causes.
par Véronique Soulé
publié le 1er septembre 2014 à 22h16

Professeur de maths à l’université d’Aix-Marseille et membre de la Commission française pour l’enseignement des mathématiques, Pierre Arnoux revient sur la crise du recrutement qui touche sa discipline.

Comment expliquez-vous que les concours de professeur de maths aient tant de mal à faire le plein ?

D'abord, le problème n'est pas propre à notre discipline, il touche aussi l'anglais, le français… Il était en outre parfaitement prévisible avec les réformes de la présidence Sarkozy qui ont cassé la pompe à recrutement, avec le passage à la masterisation [l'obligation d'avoir un master plutôt qu'une licence pour devenir prof, ndlr] et avec la réduction du nombre de postes.

C’est vrai qu’il est toutefois un peu plus important en maths, pour plusieurs raisons. Comme toutes les classes ont cette matière au programme, il s’agit d’un très gros concours, numériquement. Surtout, à la différence des lettres par exemple, une licence de maths a d’autres débouchés que le professorat. L’étudiant peut, par exemple, intégrer une école d’ingénieurs et il se retrouvera avec un bac + 5 bien mieux payé qu’un professeur débutant certifié. J’ajouterais un problème français : les universités sont aujourd’hui considérées comme une «poubelle» du supérieur. Résultat, les licences se vident, particulièrement celles de sciences et de maths qui s’effondrent depuis quelques années alors même que les terminales S sont les plus demandées.

La discipline rebuterait-elle ?

D’après moi, ce n’est pas un problème de matière. La rendre plus fun ne changerait rien. Une étude officielle donne des résultats tout à fait intéressants : les collégiens disent que leur cours favori est l’EPS (éducation physique et sportive), suivi par les maths. Il faut distinguer l’intérêt des élèves et l’image sociologique de la matière.

Quelles solutions voyez-vous ?

On a déjà connu des crises de recrutement similaires au milieu des années 60 et au début des années 80. Et on s’en est sorti grâce à certaines mesures. On connaît donc les solutions. Aujourd’hui, on entre en licence pour découvrir à l’issue qu’il n’y a plus de postes. Il faudrait donc faire une programmation à moyen terme des recrutements afin que les étudiants sachent combien il y aura de postes dans trois ans, par exemple. Cela ne coûte rien, si ce n’est de la volonté politique.

Ensuite, comme dans les années 60 marquées par un baby-boom, il faudrait revenir à des dispositifs inspirés des IPES [Instituts de préparation à l'enseignement secondaire] qui recrutaient des étudiants se destinant au professorat et qui les payaient durant trois ans pour faire leurs études. Cela avait très bien marché auprès des jeunes des couches populaires. Aujourd'hui, les «emplois avenir», qui doivent aider les plus modestes, sont très mal gérés. En maths, il y en a très peu. Enfin, il faut que le gouvernement prenne la mesure des problèmes. Mais là…

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